Libre Pensée, Logiciel Libre, Culture libre : quels rapports ?

J'ai publié cet article de vulgarisation dans l'AN II, publication de la Fédération du Rhône de la Libre Pensée où il est disponible au format PDF pour tenter d'établir un lien entre les revendications des libre-penseurs et les licences libres. En voici une version adaptée au format blog.

Le logiciel libre, c’est : Liberté égalité fraternité. C'est à dire tout ce que déteste Sarkozy : Liberté… pour les utilisateurs de choisir leur informatique Egalité… personne n’a le pouvoir sur personne Fraternité… collaboration entre utilisateurs (solidarité sociale). Richard Matthew Stallman

Motivations et histoire du logiciel libre

Au début des années 80, Richard Matthew Stallman (RMS, voir « Richard Stallman et la révolution du logiciel libre » livre dédié aux non-initiés et édité chez Eyrolles en 2010), chercheur dans un laboratoire d'intelligence artificielle du MIT(Massachusetts Institute of Technology) , se trouve régulièrement confronté à des obstacles techniques dus au fait que les logiciels et systèmes utilisés sont « propriétaires » (leurs éditeurs ne mettent pas le code source à disposition interdisant de facto toute modification par un tiers). Partant de cet amer constat, il juge qu'une telle politique prive les utilisateurs de libertés fondamentales et fonde en 1983 la Free Software Fundation (Fondation pour le Logiciel Libre) ayant pour objet de promouvoir l'écriture et la diffusion de logiciels offrant ces quatre libertés :

  • Liberté 0 : liberté d'exécuter le programme pour tous usages
  • Liberté 1 : liberté d'étudier le fonctionnement du programme - ce qui suppose l'accès au code source
  • Liberté 2 : liberté de redistribuer des copies
  • Liberté 3 :liberté d'améliorer le programme et de publier ces améliorations - ce qui suppose, là encore, l'accès au code source.

Il lance parallèlement le projet GNU qui développe des outils informatiques diffusés sous la licence libre GPL (General Public Licence) qui est la première des licences offrant ces quatre libertés. Si certaines de ces libertés ne s'adressent qu'aux informaticiens, elles garantissent toutefois à tous l'accès à ces logiciels par leur gratuité intrinsèque. Par ailleurs, les corrections et améliorations apportées par les contributeurs informaticiens sont rapidement mises à disposition de tous.

Le logiciel libre aujourd'hui

De nos jours, les logiciels libres sont connus du grand public (Firefox, OpenOffice, Thunderbird, ... voire GNU/Linux pour certains) et devenus, dans certaines communautés, un mode de vie voire une philosophie.

La souveraineté des états ne peut d'ailleurs être garantie que par l'utilisation exclusive de logiciels libres. En effet, seul l'éditeur d'un logiciel propriétaire en connait exhaustivement le comportement. Autrement dit, l'utilisation de logiciels propriétaires induit la perte de la maitrise du comportement de son ordinateur comme du traitement et du transport des données qu'il manipule ce qui remet en cause la confidentialité comme la pérennité des données. Certains logiciels propriétaires, dont Microsoft Windows, sont notoirement connus pour les failles d'espionnages volontairement introduites par leurs éditeurs pour leur propre compte ou pour celui des autorités (états-uniennes en général). Autre exemple, quand un utilisateur ouvre un fichier PDF avec le logiciel propriétaire Acrobat Reader, des informations cryptées relatives au document ouvert sont expédiées vers des serveurs de l'éditeur de ce logiciel (Adobe en l'occurrence). Des administrations de la République Française (Gendarmerie Nationale, préfectures, ...) ont fait le choix, depuis quelques années, d'une migration partielle et progressive vers le monde du logiciel libre mais il y a fort à craindre que les motivations de ces migrations soient plus économiques que morales.

Toutes ces problématique sont bien exposées dans les conférences (souvent disponibles en ligne) en français de Richard Matthew Stallman (francophone et francophile) qui parle un grand panel de langues.

Culture et connaissances « libres »

Si les mondes de la culture et de la connaissance n'étaient pas soumis au droit d'auteur durant l'antiquité (on imagine en effet mal Pythagore déposant un brevet sur son célèbre théorème), l'ère industrielle a été celle du verrouillage des produits culturels et de la connaissance. Le lien entre Culture Libre et Logiciel Libre existe non seulement sous la forme de la mouvance culturelle et philosophique induite par ce dernier mais aussi par une « contamination » de ses préceptes en direction des mondes de la culture et de la connaissance. En effet, au 21ème siècle, ce modèle de licence « libre » dédiée au logiciel s'est vu dérivé pour toutes sortes de contenu (musique, texte, vidéo, enseignement, …) afin d'ouvrir au plus grand nombre l'accès à des connaissances ou à des œuvres d'ordre culturel. Comme dans le monde du logiciel, de nombreuses licences « libres » existent pour les contenus (la licence « Art Libre » est assez utilisée en France par exemple) mais je me contenterais ici d'exposer le principe de la licence Creative Commons (CC). Le cas le plus connu en France est celui de l'éditeur InLibroVeritas.

De nombreux sites ont choisi de publier leurs contenus sous ce type de licence particulièrement adapté aux contenus textuels ou artistiques. Je la préconiserai d'ailleurs pour le futur site de la Fédération du Rhône de la Libre Pensée (ne pas préciser de licence induit le choix d'une licence classique interdisant toute reproduction sans accord du propriétaire des droits d'auteur). Cette licence implique :

  • Paternité (BY) : Cette clause obligatoire implique que toute personne réutilisant un contenu distribué sous cette licence doit mentionner son auteur original. L'idée selon laquelle les licences libres seraient une négation du droit d'auteur est absurde. Que ce soit dans le monde informatique ou artistique, l'auteur reste propriétaire de son œuvre et peut par exemple choisir de la distribuer sous d'autres licences ou de la réutiliser lui-même sans restriction.
  • Pas d'exploitation commerciale (NC) : Cette clause facultative interdit d'exploiter commercialement l'œuvre sans autorisation de son propriétaire (autrement dit distribution parallèle ou négociée sous une licence commerciale). Ceci coupe court à l'idée selon laquelle il n'est pas possible d'être rétribué pour la diffusion d'œuvres sous licence libre.
  • Modalité de réutilisation : L'auteur peut choisir de ne poser aucune contrainte sur la réutilisation de son œuvre ou d'interdire tout modification (ND) de celle-ci ou d'autoriser les modifications sous réserve de conservation à l'identique de la licence choisie (SA).

Au delà des ouvres culturelles, la connaissance est elle aussi concernée par ces licences. En effet de nombreux cours, du primaire au supérieur, sont distribués sous licence « libre » afin de garantir au plus grand nombre l'accès à la connaissance. Le monde de l'enseignement est par ailleurs particulièrement noyauté par les éditeurs de logiciels propriétaires (notamment Microsoft) qui fournissent des licences gratuites pour l'éducation afin de conditionner les élèves et à étouffer les alternatives libres. RMS n'hésite d'ailleurs pas à assimiler ses pratiques à celles des revendeurs de drogues (« La première dose est gratuite »).

Un article fait suite à celui-ci : Logiciel Libre et Culture libre : Biens communs et impact sociaux

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