Logiciel Libre et Culture libre : Biens communs et impact sociaux

Cet article publié dans l'An II n°123 fait suite à « Libre Pensée, Logiciel Libre, Culture libre : quels rapports ? » publié dans l'An II n°121 et disponible ici.

« Libre » et impacts sur le quotidien

Pour mieux comprendre le concept de licence libre et ses enjeux, il suffit de l'appliquer à des domaines tout public. L'exemple le plus communément utilisé est celui de la cuisine car chacun dispose du droit de cuisiner librement, d'étudier des recettes, de les modifier. Ces droits semblent aller de soi mais, dans les faits, on n'en dispose que dans peu de domaines (et surtout pas dans celui du logiciel non-libre). Un autre exemple, plus proche de la connaissance, est flagrant : depuis l'invention de l'imprimerie, les lecteurs se prêtent des livres entre eux voire les consultent en bibliothèque. Le leader du livre numérique (Amazon) propose une plate-forme non libre (Kindle) sur laquelle elle dispose d'un contrôle total sur les contenus stockés sur l'appareil du lecteur. Les conséquences sont graves car :

  • Un lecteur ne peut pas « prêter » un livre à un ami.
  • Amazon peut décider unilatéralement de supprimer à distance un livre d'un lecteur numérique. Ironie du sort, les possesseurs d'un Kindle ayant acheté 1984 et La ferme des animaux de George Orwell se sont vu supprimer ces œuvres de leur appareil (Amazon s'est aperçu a posteriori qu'il ne disposait pas des accords des ayants-droits ad hoc).

Il ne s'agit que de deux exemples de domaines dans lesquels ces problématiques se posent mais on peut transposer ceci dans presque tout ce qui relève de la connaissance (y compris, et surtout, l'enseignement).

« Libre », souveraineté et pérennité

Un lecteur de l'An II habitant la Dordogne (non, ce n'est pas une erreur) a réagi à mon précédent article en nous soumettant un texte datant de 2002 dont j'ignorais l'existence. Il s'agit d'une lettre d'un député péruvien en réponse à un courrier dans lequel Microsoft (le plus important éditeur de logiciels) se plaignait des mesures favorisant le logiciel libre dans les administrations péruviennes. Dans sa réponse, le député Villanueva Nuñez argue en faveur du logiciel libre en le positionnant comme garantie de souveraineté de l'état et de la pérennité des données. Je relève ici quelques points majeurs :

  • L'accès des citoyens à l'information publique ne peut être garanti sur le long terme que si les formats utilisés sont ouverts et standards car ceci garantit la possibilité de pouvoir, au besoin, concevoir le lecteur ad hoc.
  • Le logiciel libre garantit l'indépendance des services des états vis à vis des fournisseurs informatiques.
  • L'accès au « code » des logiciels permet de s'assurer que l'utilisation de ces derniers n'induise pas de fuites d'informations malicieuses (code espion).
  • Le logiciel libre, contrairement au modèle propriétaire, est compatible avec les principes républicains : stimulation du développement technologique local, incorporation potentielle des évolutions au patrimoine commun de la connaissance.
  • ...

Objectif global : la récupération des biens communs

Dans l'article précédant celui-ci, nous avions vu que la notion de « libre » couvrait tout aussi bien l'informatique que la culture ou encore les contenus et méthodes pédagogiques. Une initiative récente (et encore partiellement définie malgré la signature de nombreuses personnes morales d'horizons très variés (Associations d'informatique libre, partis politiques, fondation diverses dont la Fondation Bill Clinton pour la paix, ...) se veut plus globale : « Manifeste pour la récupération des biens communs ». Elle a vu le jour au Forum Social Mondial de 2009 à Bélem (Brésil) et s'oppose à « la privatisation et la marchandisation des éléments vitaux pour l'humanité et pour la planète [...] » y compris la connaissance, la génétique, … Une fois encore, il apparaît clairement que cette généralisation englobe des revendications largement adoptées par les libres penseurs, notamment dans le cadre de l'accès à la connaissance et le droit à une instruction publique de qualité pour tous qui ne soit pas biaisée par l'obscurantisme religieux, lobbyiste ou mercantile. Avec le logiciel libre, on retrouve la notion de biens communs telle que l'humanité a connue avec la philosophie ou les mathématiques dans l'Antiquité tout en respectant leurs auteurs. Son existence maintenant pérenne prouve que, même dans notre société occidentale moderne, cette notion de biens communs n'est pas une utopie mais un objectif atteignable.

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